dimanche 23 mars 2008

Comment les anglais ont eu la peau des Colombards...


De passage par Paris, Dominique Andiran me déposait la semaine dernière quelques bouteilles de son cru... Et une histoire éclairante sur les pratiques commerciales de la Gascogne.

Dans son coin, le cépage maître, le roi du Gers, on n'est pas obligé de le savoir, c'est le Colombard (ci-dessous dans sa version agrume). Et la nouvelle population, ça c'est bien connu, c'est l'anglais. L'anglais en général a plutôt bon goût et il serait stupide de lui jeter la pierre pour la seule raison qu'on le trouverait envahissant. Mais l'anglais a un défaut majeur, aux yeux de ceux comme Dominique qui cultivent leur terroir dans sa diversité: il n'aimerait que les blancs aux goûts d'agrumes...
"Il se trouve qu'il existait plusieurs types de Colombards, m'explique alors le vigneron de Montreal-du-Gers. L'un a un goût très pamplemousse, très agrumes, justement... Avec des notes de citrons et de fruits exotiques. Ca tombait bien. Un deuxième est très sur la fleur, très joli, sur des notes de jeunet. Le troisième se balade du coté de ce qu'on appellait nous le "bonbon anglais", avec des notes acidulées, vernies, sucrées, presque synthétique... Les gars du label (de l'appellation "pays des côtes de Gascogne", ndla) ont tout de suite compris le truc: si les anglais aiment les agrumes, il faut leur en donner... D'autant qu'ils achètent à eux seuls 95% de la production. On a donc commencé à rechercher le goût "agrume" et à chasser les autres. On s'est mis à vendanger avant maturité, pour que les levures parfumées soient encore plus efficaces. Et petit à petit on a exclu ceux qui présentaient des vins différents".
Ce Colombard-pamplemousse c'est naturellement celui qui fleurit dans les bouteilles de Tariquet (ci-contre), le génie industriel du coin. Et la formule magique a été étudiée de près. Levures recommandées et bons conseils à la clé, reussir-vigne.com nous apprend même comment on a isolé en laboratoire la molécule des "précurseurs d'arômes" (3MH et A-3MH) sensés stimuler le plus efficacement le goût commercialement orthodoxe. L'enjeu il est vrai est d'importance: avec 500.000 hectolitres, l'appellation est la cinquième de France en volume. Il faut bien écouler les stocks...

A ma connaissance, les Colombards-fleurs et les Colombards-bonbons ne font pas partie des 4 millions de semences stockées par précaution dans "l'arche de Noé verte", le gigantesque coffre-fort végétal inauguré cet hiver au Spitzberg. Au jour d'aujourd'hui, ces deux variétés, leur nez de jeunet et leur pointe acidulée, sont donc tout simplement portées disparues. Sacrifiées sur l'autel du "goût anglais".

A l'heure où l'on s'inquiète beaucoup de l'impact des OGM et des produits chimiques sur la bio-diversité, peut-être faudrait-il aussi s'interroger sur cette forme de sélection radicale des cépages en fonction des goûts du marché. Ne serait-ce que parce qu'il est volatile et changeant... A moins de se résigner à voir le dernier Colombard disparaitre, lui aussi, le jour où ses surprenants arômes de pamplemousse seront, à leur tour, passés de mode. Au profit du jeunet ou du bonbon anglais, qui sait ?

1 commentaire:

Unknown a dit…

Le colombard demeure un cépage sans grand intérêt chez nous.

Mais je ne suis pas d'accord avec ce fait là. Je l'ai re dégusté récemmnt hors de nos frontières, et il donne, par exemple, en Israel de superbes interprétations.

A redécouvrir...